BAFA à 16 ans : quelles difficultés pour l’embauche de mineurs en CEE ? Jeunesse au Plein Air alerte le Gouvernement

Le décret n°2022-1323 du 14 octobre 2022 autorisant les jeunes âgés d’au moins 16 ans à s’inscrire en session de formation du BAFA (au lieu de 17 ans auparavant – lire l’article JuriACM), est incontestablement une avancée en ce qu’il permet aux jeunes de se responsabiliser et de s’engager dans une mission d’intérêt général par l’encadrement de mineurs en ACM (colonies de vacances, centres de loisirs, camps scouts et séjours adaptés).

Mais au-delà de l’aspect citoyen, responsabilisant, et au-delà des besoins cruciaux en animateurs et animatrices dans le secteur, aggravés par la crise sanitaire, il n’en demeure pas moins que l’application stricte des règles du temps de travail et du temps de repos dédiées aux mineurs de 16 ans constitue en pratique pour les organisateurs un véritable obstacle à l’embauche, soit en qualité d’animateur ou d’animatrice titulaire, soit stagiaire.

En effet, les durées de temps de travail et de repos prévues par le Code du travail pour les travailleurs mineurs apparaissent comme déconnectées des réalités de terrain en ACM (8 heures de travail par jour, dans la limite de 35 heures hebdomadaires), tandis que l’interdiction du travail de nuit des jeunes travailleurs achève de convaincre de l’incompatibilité du dispositif légal avec l’encadrement des mineurs la nuit.

Jeunesse au Plein Air et ses membres confédérés regrettent que cette réforme de l’âge d’inscription au BAFA n’ait pas été inscrite dans une réflexion plus globale liée au temps de travail des équipes d’encadrement et qu’elle ne prévoie pas, sur le base d’instruments juridique adaptés, des modalités concrètes et effectives de participation des encadrants mineurs à tous les temps de vie en ACM.

La confédération Jeunesse au Plein Air a formulé en ce sens des propositions au Gouvernement, pour pallier l’urgence de la saison estivale 2023 et pour répondre de manière pérenne à ces enjeux.

Rappel du cadre légal et réglementaire : des temps de travail et de repos déconnectés des réalités de terrain

En ACM, la relation contractuelle entre l’organisateur et un animateur occasionnel est régie par le Contrat d’Engagement Educatif (CEE).

Le CEE est un contrat spécifique, prévu pour les occasionnels de l’animation, dont le régime aménagé déroge à certaines règles classiques du droit du travail prévues par le Code du travail pour rester en cohérence avec les temps d’accueil proposés pour encadrer et surveiller les mineurs. Cette dérogation porte notamment sur trois points :

  • La durée du travail ;
  • Les temps de repos ;
  • La rémunération.

Le Code de l’action sociale et des familles énumère en ce sens, à l’article L. 432-2, la liste des articles du code du travail qui ne sont pas applicables au CEE sur les trois points précités.

Toutefois, le CEE ne déroge à ces deux premières règles que dans l’hypothèse où la personne concernée est majeure.

Dès lors que le titulaire du CEE est mineur, celui-ci bénéficie des règles applicables aux personnes mineures prévues par le Code du travail :

  • La durée maximale quotidienne de travail ne peut excéder 8 heures ;
  • La durée maximale hebdomadaire de travail ne peut excéder 35 heures ;
  • Le salarié âgé de 16 ou de 17 ans bénéficie d’un repos hebdomadaire de 2 jours consécutifs ;
  • Le salarié âgé de 16 ou de 17 ans ne doit pas travailler plus de 4 heures 30 de manière ininterrompue ;
  • Lorsque le temps de travail quotidien atteint 4 heures 30, le salarié doit bénéficier d’un temps de pause de 30 minutes consécutives minimum.

Travail de nuit : pour un jeune de 16 ans à 18 ans, tout travail effectué entre 22 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit. Le travail de nuit est en principe interdit. Si des dérogations existent (secteurs de l’hôtellerie, restauration, boulangerie, courses hippiques, situations d’extrêmes urgence), ces dérogations ne peuvent pas être accordées pour faire travailler un jeune de moins de 18 ans entre minuit et 4 heures du matin. En tout état de cause, les ACM ne bénéficient d’aucune dérogation et appliquent le principe d’interdiction stricte.

Ces temps de travail et de repos particuliers des mineurs prévus par le Code du travail viennent percuter les règles du temps de travail aménagées du CEE, déjà elles-mêmes compliquées à mettre en œuvre et à respecter pour les organisateurs, lesquels se retrouvent dans une situation d’insécurité juridique permanente.

En d’autres termes, à la difficulté d’application du CEE aux majeurs, cette réforme surajoute une autre difficulté encore plus grande : l’application stricte des dispositions du Code du travail sur le temps de travail des mineurs.

Les propositions de la confédération Jeunesse au Plein Air adressées au Gouvernement

Les mesures d’urgences pour l’été 2023

Nous demandons :

  • Une position claire du ministère sur la problématique juridique des temps de travail et des temps de repos pour les mineurs âgés de 16 et 17 ans et que cette clarification soit partagée avec les services déconcentrés du ministère ;

  • A l’instar des majeurs, une application aux mineurs de 16 et 17 ans des règles dérogatoires prévues par le Contrat d’Engagement Educatif (L. 432-2 du CASF) afin de prendre en compte les particularités et les besoins des organisateurs et qui correspond davantage à l’esprit d’engagement présidant aux Accueils Collectifs de Mineurs ;

  • Un soutien financier des pouvoirs publics aux organisateurs pour faciliter l’accueil des jeunes animateurs et animatrices de 16 ans compte tenu de l’impact en recrutement supplémentaire que génèrent les règles spécifiques des temps de travail et de repos afin de respecter les taux d’encadrement réglementaires imposés par le Code de l’action sociale et des familles ;

  • Un allègement des taux d’encadrement durant la nuit dans la mesure où les animateurs et animateurs de 16 ans ne peuvent pas travailler sur cette période en particulier ;

  • Une prolongation du délai actuellement de 18 mois entre la fin de la session de formation et le début du stage pratique, condition sine qua non pour ne pas perdre le bénéfice de la validité de la session. Ce délai supplémentaire, qui pourrait passer de 18 à 24 mois, répondrait aux difficultés rencontrées par les jeunes de 16 ans pour trouver leur stage pratique.

Les mesures pour l’avenir et la pérennité du BAFA

Nous demandons :

  • La mise en en place une commission de suivi pour tous les jeunes de 16 ans qui n’auraient pas trouvé un stage pratique ;

  • Des mesures autour de l’obligation d’embaucher des jeunes de 16 ans en stage pratique dans le cadre du Contrat d’Engagement Educatif ;

  • Une étude d’impact quantitative et qualitative sur la réforme du BAFA à 16 ans ;

  • Une réflexion approfondie sur la mise en place d’un statut de l’animation volontaire qui pourrait résoudre toutes les difficultés soulevées dans la présente note d’Alerte.
Morgan Bertholom
m.bertholom@jpa.asso.fr