Vers un durcissement de la politique migratoire de l’UE

La présente veille européenne permet de faire le point sur l’évolution des politiques migratoires au niveau de l’Union européenne.

Contexte

Réunis en Conseil européen le jeudi 17 octobre dernier à Bruxelles, les 27 Etats-Membres ont acté l’accélération de la mise en œuvre du Pacte asile et migration, tout en renforçant la lutte contre l’immigration illégale.

Les Etats-Membres ont réclamé en urgence une loi pour accélérer et améliorer l’effectivité des retours des migrants irréguliers vers leur pays d’origine.

Sur la question migratoire, l’Union européenne met la barre à droite pour contenter populistes et opinions publiques. Un certain nombre de médias européens de gauche juge que « les dirigeants européens embrassent désormais des idées et des revendications jusque-là réservées à l’extrême droite et aux eurosceptiques ».

C’est un constat que la quasi-totalité de la presse européenne partage. « Alors que la droite et l’extrême droite progressent partout en Europe […], de plus en plus d’Etats membres exigent un durcissement de la politique communautaire » en matière d’immigration, et ce « malgré la baisse de 42 % des entrées irrégulières au sein de l’UE depuis le début de l’année » par rapport à 2023 [Le Monde]. « Même l’Allemagne, longtemps terre d’accueil, a rétabli ses contrôles aux frontières et durci ses conditions d’entrée », fait remarquer le quotidien du soir.

L’Europe est clairement à un tournant

« Mais, déjà, de nouvelles propositions de durcissement fusent », s’inquiète Le Temps. « L’idée de ‘parquer’ des migrants déboutés dans des Etats tiers, hors des frontières de l’UE, en attendant leur expulsion définitive, est dans l’air. On parle de ‘hubs de retour’. Autre idée : construire des centres de rétention pour migrants criminels. Toujours en dehors de l’UE, bien sûr », liste le quotidien suisse, qui alerte : « l’Europe est clairement à un tournant

Dans Libération, le correspondant à Bruxelles Jean Quatremer juge que « l’heure est donc clairement à l »orbánisation’ de la politique migratoire européenne« , faisant référence au Premier ministre hongrois, l’ultraconservateur Viktor Orbán.

Ce dernier « avait été cloué au pilori en 2015 pour s’être opposé violemment au passage sur son sol des réfugiés et migrants du Moyen-Orient et d’Afrique que la Turquie avait laissé partir pour faire pression sur l’Union », rappelle le journal français. Mais depuis, les opinions publiques européennes ont changé.

Quelques chiffres

  • En 2021, un total de 3,7 millions de personnes ont immigré dans l’un des 27 Etats membres de l’Union européenne. Parmi eux :
    • 1,4 million proviennent d’un autre Etat membre de l’UE,
    • 2,3 millions de pays tiers.
  • Dans le même temps, 2,5 millions de personnes ont émigré dans un autre pays de l’UE ou hors du territoire de l’Union.
  • Parmi les Européens ayant migré d’un Etat membre à l’autre, les citoyens roumains, polonais, italiens et portugais étaient les plus nombreux à vivre dans un autre Etat de l’UE 27 au 1er janvier 2022.
  • Avec 874 400 entrées enregistrées en 2021, l’Allemagne reste le pays qui a accueilli le plus de personnes sur son sol, suivie par l’Espagne (528 900), la France (336 400), l’Italie (318 400) et la Pologne (241 100).
  • L’Allemagne est aussi l’Etat qui voit le plus grand nombre de personnes quitter son territoire : 543 200 personnes ont quitté le pays au cours de l’année 2021. Viennent ensuite l’Espagne (380 800), la Roumanie (216 900) et la Pologne (201 600).
  • Sur les 27 Etats membres de l’UE, 23 comptent plus d’immigrés que d’émigrés. Ce n’est, en revanche, pas le cas de la Croatie, de la Grèce, de la Lettonie et de la Roumanie, pour lesquels on parle alors de solde migratoire négatif.
  • Les hommes sont plus nombreux (55 %) que les femmes à migrer vers un Etat de l’UE. Ils sont par ailleurs plus jeunes que la moyenne d’âge nationale du pays d’accueil. Eurostat observe que si l’âge médian de la population totale de l’UE27 était de 44,4 ans au 1er janvier 2022, il n’était que de 30 ans pour les immigrants de l’UE27.
  • Parmi les 446,8 millions d’habitants de l’UE au 1er janvier 2021, 23,8 millions n’étaient pas citoyens d’un des Etats membres de l’UE (5,3 % de la population de l’Union) et 13,7 millions de personnes habitaient dans un État membre autre que celui dans lequel elles étaient nées.

Céline Chagnollaud
c.chagnollaud@jpa.asso.fr